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froid pour les messieurs, avec des assiettes de biscuits et de craquelins. Les paysans ont préféré le vin nouveau. Cela s’entend assez. Bourrées, cris, coups de talon, mains aux hanches, doigts qui claquent, ce bal rustique fait deux fois plus de bruit que l’autre…


« Naïs !… Naïs ! »

Mme du Fargeas cherche sa fille, mais Naïs est partie pour voir la bourrée, avec le jeune coquebin de Planot. Tout le monde se disperse, se retrouve, se regroupe…


Naïs a laissé là le bon élève de Saint-Acheul, et elle s’en va, dans l’ombre du parc, cherchant le silence qui apaisera sa fièvre. Son cœur est gonflé d’un chagrin qu’elle ne veut pas nommer, parce qu’il grandirait encore et lui ferait encore plus de mal, si elle osait le définir. Étrange sentiment d’abandon, solitude soudaine de l’âme, au milieu d’une fête, envie de pleurer à grosses larmes enfantines. Pourquoi ? Pourquoi ?

Elle a jeté sur ses épaules une écharpe de barège gris-cendre, couleur de demi-deuil — le demi-deuil de son premier rêve !

L’allée où elle marche est tapissée de feuilles humides, d’où monte une odeur de Toussaint. La lune penchante égoutte un lait bleuâtre entre les feuillages noirs. Ô douce lune, com-