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couvent, l’an dernier, la vie, le monde, m’effrayaient. Je songeais à prendre le voile… Mais mon père et ma mère ne l’auraient jamais permis. »

M. de Fontclose, le jour qu’il reçut cette confidence, regarda le nez retroussé et les yeux bleus de Naïs, et comprit que cette fraîche enfant n’était pas du bois — du bois sacré — dont on fait les saintes religieuses.

« Étiez-vous sûre d’avoir la vocation ?

— Heu !… Je l’ai cru… Il y a moins de six semaines, je le croyais encore…

— Et maintenant ?

— J’en suis moins sûre », dit Naïs.

Et elle devint cramoisie.

« Pauvre enfant ! Puissiez-vous ne jamais regretter la paix du monastère », fit Elzéar avec un profond soupir en arrêtant sur la jeune fille le regard brûlant et velouté de ses yeux d’Abencérage.

Elle secoua la tête d’un air convaincu, comme une personne qui va au-devant d’une destinée pleine de périls et qui s’est résignée à l’état de victime douloureuse. Et répétant la phrase que sa mère, ses maîtresses, ses amies, son confesseur, et plus tard les poèmes et les romans, avaient dite, redite, commentée, analysée, ainsi qu’un décret immuable du ciel :

« La femme est faite pour souffrir ! Je souffrirai ! »

Sa voix était si douce, son visage si pathé-