Page:Tinayre - Une provinciale en 1830.pdf/102

Cette page n’a pas encore été corrigée

Ainsi discutaient Naïs et Palma, faisant assaut de délicatesse et de fierté, et ne s’avouant l’une à l’autre que la moitié de leurs pensées. Cette controverse sur les sentiments d’Elzéar se renouvela souvent, trop souvent, et par un jeu naturel de l’imagination, l’idée de l’amour s’associa de plus en plus fortement, dans leurs esprits, à la figure de ce jeune homme.

Elles l’admiraient, lorsqu’il tenait de graves discours sur la politique, à propos du ministère Polignac et prédisait, d’un ton de doctrinaire, des catastrophes prochaines. La Charte, le cens, la chambre haute, les ultras, l’opposition, c’était des mystères sans grâce, des sujets de discussion pour messieurs mûrs et pour vieillards à perruques, qui faisaient bailler les jeunes personnes sur leur tapisserie ou sur leur tricot. Mais, prononcés par la voix chaude et profonde d’Elzéar, c’étaient de magiques paroles, une musique qui prenait le cœur. Et si l’ancien lieutenant de hussards contait ses aventures de la guerre d’Espagne, la guérilla carliste et les embuscades, Naïs et Palma croyaient ouïr un nouveau Roland, sonnant du cor dans un vallon farouche. Qu’il fit des allusions, toujours discrètes, à ses nobles amis du faubourg Saint-Germain, ces demoiselles, secrètement palpitantes d’une curiosité jalouse, voyaient des duchesses amoureuses se disputant M. de Fontclose, des soubrettes portant des billets, des rendez-vous