Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
JOURS DE BATAILLE

nale, aux juges compétents, le soin de rechercher et de punir les coupables. Leur rôle actif est terminé. Ils demeurent à Constantinople comme des protecteurs et les défenseurs des lois.

Le jardin du Taxim où l’on entassa, hier, les cadavres, est débarrassé de ses hôtes funèbres et sert de refuge à quelques chevaux blessés. Les pauvres bêtes s’en vont sur trois pattes, le flanc éraflé, la tête basse, l’œil craintif. Le pavillon des musiciens n’a plus une vitre ; les balles ont tailladé l’écorce des platanes et coupé mille brindilles des rameaux. On sent qu’une calamité anormale a passé par là, qu’une mélancolie est restée sur les choses. L’herbe foulée garde-t-elle le froissement des agonies ? L’ombre des jeunes feuilles est-elle plus froide d’avoir tremblé sur les faces livides des morts ? Les jardiniers qui fouillent le terreau des plates-bandes ne font-ils pas des gestes de fossoyeurs ?… Sensations réelles ou caprices de l’imagination, tout ce qui assombrit un instant notre âme s’évanouit dans la lumière vaporeuse et la tiédeur légère de l’air. Avril