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JOURS DE BATAILLE

infidèle, à quelques pas du Grand Turc que ses propres soldats assiègent dans son palais, le canon sarrasin couvrant la voix des orgues chrétiennes, ne dirait-on pas un épisode des chansons de geste ? Les os des croisés qui furent ensevelis près des murs de Constantinople ont dû tressaillir de joie…

Le docteur de Lacombe apporte des nouvelles des blessés. Les deux journalistes américains vont mieux. Je pense aux propos entendus la veille à l’hôtel, au récit très circonstancié que l’on avait fait de l’agonie et de la mort de M. Moore dont on rapportait même les dernières paroles ! Nous en étions tous attendris… Par bonheur. M. Moore n’est ni mort ni mourant. Il est seulement blessé, immobilisé pour des semaines, et son accident le met de très mauvaise humeur… Rater un si beau reportage, quelle malchance ! Aussi, quand un journaliste français est venu ce matin, par courtoisie confraternelle, serrer la main de M. Moore, il a été bien reçu !…

M. Ledoulx m’a emmenée déjeuner chez lui,