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ET DE RÉVOLUTION

feutre blanc, ceinturés de cartouchières, ils ont l’air mal débarbouillés, mal brossés, et leurs uniformes gardent encore la poussière de la route, du camp et de la bataille. Ils déambulent par cinq ou six, et parfois s’entassent, leurs fusils entre les jambes, dans les fiacres réquisitionnés. La plupart, venus des plaines de Thrace ou des montagnes d’Albanie, ont, devant les splendeurs européennes de Péra, le même étonnement respectueux qu’ont nos conscrits de province devant les monuments et les boulevards de Paris. Mais, au contraire des troupiers français, ils s’abstiennent de lazzi et de plaisanteries, et s’ils racontent leurs exploits aux badauds, ils les racontent brièvement, sans fanfaronnade et sans gaieté. Je ne sais si cette réserve est naturelle au caractère oriental, ou si elle cache une certaine émotion pénible, le regret d’un devoir douloureux bravement accompli, la tristesse de la guerre fratricide… Peut-être ce sentiment est-il trop compliqué pour ces âmes très simples. Quant aux citoyens de Constantinople, leur seule