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ET DE RÉVOLUTION

la Corne d’Or. Des bateaux noirs emmêlent leurs agrès. Un beau reflet rouge, le reflet d’une coque peinte au minium, tremble, brisé par le remous d’un vapeur à aubes qui s’éloigne…

Tout au fond, sur la rive, Stamboul est un frottis de pastel gris, où s’esquissent des coupoles crayeuses. La grosse fumée noire du vapeur stagne dans l’air et laisse un barbouillage de fusain sur le gris et sur le bleu tendre.

Mais le pont franchi, la zone des fumées et des brumes dépassée, la ville se dresse, non plus féerique, — vivante.

Une place assez laide qui ressemble à la place de Karakeuy, puis dans une rue à gauche, un mur de mosquée, une vaste porte en haut d’un escalier de marbre que couvrent des gens assis, accroupis, couchés. Et tout le long du mur, des robinets dans de petites niches, et devant chaque robinet, un musulman qui fait les ablutions rituelles, pieds nus.

Ces gens qui encombrent l’escalier, ces gens qui se lavent, et ceux qui s’écartent, de mauvaise grâce, devant ma voiture, ce sont des