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LA VIE AU HAREM

drez à Constantinople… » Triste de m’en aller, je ne souhaite pas de revenir. J’aurais trop peur de ne pas retrouver le plaisir délicieux de la découverte, la saveur, l’éclat, l’éblouissement de l’imprévu.

Mais pourtant, j’ai bu l’eau du Taxim.

J’écoute mes amis parler. Je n’ai plus rien à leur dire, même ma gratitude pour leur protection affectueuse et leur gentille camaraderie. Je regarde ce que je ne reverrai plus.

Elle est déserte, ce soir, la rue sans maisons, la triste rue des cyprès, des pierres, de la poussière. Les troncs noirs, les feuillages noirs élancés en fuseaux, dégringolent, par files, sur la pente, dans le brouillard. On ne sait pas où ils s’en vont, dans quel gouffre. Les plus lointains sont submergés : leurs pointes fantômales émergent à peine de la vapeur. Au delà, Stamboul, dressé sur l’horizon, devient une masse compacte, ondulée de coupoles, hérissée de minarets aigus, une masse d’un violet uniforme où s’allument déjà des feux pâles. Et vers la droite, au-dessus d’Eyoub,