Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/356

Cette page a été validée par deux contributeurs.
342
LA VIE AU HAREM

et Mélek Hanoum est sensible à la beauté !… Et puis, elle a tant d’imagination !… Quand on a besoin d’aimer, on aime ce qu’on a.

Cette jeune femme est bien sceptique.

Sans doute, elle a raison. Il n’y a aucun rapport entre l’amour sentimental que rêvent les femmes françaises, et l’amour que ressentent les femmes turques. Dans le mariage turc, le petit roman conjugal commence par la fin. La possession, ou du moins le droit de posséder, précède la naissance et l’échange du désir. La femme, même respectée par un mari délicat, se sait conquise d’avance. Le don de sa personne, ne fût-il pas réclamé le soir même de noces, est obligatoire dans un délai plus ou moins court. Et cela suffit pour fausser les relations sentimentales, pour modifier essentiellement l’attitude des époux. Après, oui, la nature et l’accoutumance créent des liens solides. Mais l’heure de l’amour est passée et ne reviendra plus. La logique de l’instinct disposera plutôt la femme à s’éprendre de l’inconnu qui passe, et qui regarde le voile soulevé, comme par hasard ;