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LA VIE AU HAREM

aimée. Savez-vous, chère amie, la légende arabe de Leïla ?

— Non, mais je la saurai tout à l’heure, chère Mélek, parce que vous allez me la conter.

— Eh bien, il était une fois un jeune prince…

La nuit est bleue ; le parfum des acacias palpite au souffle de la mer. La lanterne balancée du vieil Arménien agite sur le pavé des reflets jaunes, des ombres falotes. Toute noire entre mes compagnes noires, fantôme parmi ces fantômes, j’écoute l’histoire poétique, amoureuse et compliquée où l’amant chevaleresque et l’amante fidèle se perdent, se retrouvent, et meurent ensemble, après mille aventures merveilleuses. Mélek Hanoum conte comme Shéhérazade, avec grâce, avec minutie, avec lenteur, je devine, à travers le français pénible et incorrect, tout le charme du beau récit qu’elle ferait, si je savais le turc, car elle doit parler très joliment, Mélek Hanoum, en vraie poétesse… Un homme tourne à l’angle d’un carrefour. Il passe tout près de nous. Il nous frôle