Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/344

Cette page a été validée par deux contributeurs.
330
LA VIE AU HAREM

clairs. Seulement, la barbe et les cheveux ont blanchi ; les joues pâles se sont creusées, le regard est plus vague, le sourire découragé. On sent que cet homme est mal réveillé encore d’un cauchemar douloureux.

Une des sœurs, passant derrière moi, lève mon voile… Ahmed-Riza bey m’a reconnue ! Sa figure s’éclaire de surprise amusée. Il me tend les mains et s’exclame…

Il n’est pas choqué du tout, et même il se dit charmé de me revoir dans ce costume qu’il aime, dans ce costume sévère, mystérieux et point messéant que je ne critiquerai pas, plus tard, en France, puisque je l’aurai porté par plaisir. Je promets de n’en jamais dire de mal. J’assure que j’ai, grâce à lui, une âme presque turque, et les jeunes femmes déclarent qu’il faut me donner un nom oriental : Haïdié ou Leïla… Ahmed-Riza bey qui se prête à ce jeu, propose Leïla, un très joli nom qui signifie « crépuscule ». Je suis madame Crépuscule, pour quelques heures. Les sœurs, les esclaves en robe rose, collées au