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LA VIE AU HAREM

— Vous oubliez ma haute taille ! Je suis presque aussi grande que mon frère. Je suis peut-être la plus grande femme de Stamboul. Ah ! j’ai maudit cette stature imposante qui trahit mon incognito ! Une petite personne fluette glisse partout et passe inaperçue, mais une dame d’un mètre quatre-vingts ! on ne peut pas ne pas la voir ! Aujourd’hui encore, je n’ose pas aller dans les quartiers de fanatiques… On m’a tant calomniée !

Son regard, s’attriste. Elle murmure :

— Et pourquoi ? Jamais je n’ai excité mes compatriotes, mes sœurs, à commettre des imprudences. Jamais je n’ai cru que les réformes profondes des mœurs s’accompliraient en quelques mois. Est-ce un crime que d’avoir rêvé une organisation meilleure de l’instruction féminine, une protection légale plus efficace et le minimum de liberté indispensable au développement, à la dignité de créatures humaines ? N’est-ce pas ridicule et odieux, cette campagne qu’on a menée contre mon frère et contre moi, à propos des