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PREMIERS JOURS

passe entre les couchettes, sans un regard, sans un mot pour ces pauvres créatures pétrifiées.

De pauvres créatures vraiment, tristes échantillons de toutes les misères physiologiques, victimes de la routine populaire, de l’ignorance et de la saleté invétérée, victimes aussi de la pauvreté. Les ardoises, placées derrière chaque lit, portent, en français et en turc, la désignation de la maladie. Il y a beaucoup de tuberculose osseuse ou pulmonaire, et beaucoup de maladies spéciales au sexe féminin.

Je suis étonnée de l’indifférence du docteur, de sa manière d’imposer le silence… Je me rappelle le service du docteur Pozzi, à Broca, où je suis allée récemment. Avec quelle joie les malades attendent la visite du « chef » ! Avec quelle familiarité paternelle il les aborde, l’une après l’autre, ménageant si bien leur amour-propre et leur pudeur, habile à deviner leur inquiétude, le désir qu’elles n’osent formuler, le mot qu’elles espèrent et qui les réconfortera tout un jour. Certes, tous les chi-