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PREMIERS JOURS

Les chambres des servantes, meublées d’un lit en fer, d’une table, d’une armoire, sont gaies et confortables — mais, dans l’une, on montre des traces suspectes sur le mur.

— C’est un obus qui est entré là, par la fenêtre, — explique la jeune fille. — Il a emporté la tête d’une pauvre servante, et la cervelle s’est écrasée contre le mur. On voit encore la marque, le sang… Et puis là, dans le couloir, il y en a aussi, de la cervelle…

Il y en a. Il y en aura encore dans six mois peut-être, ou dans un an. On n’est pas pressé de nettoyer le mur… Cette cervelle écrasée ne gêne personne. C’est un document, une curiosité !

Dans les cellules qui ouvrent sur le corridor, sont logés les officiers blessés. Nous entrons dans la plus proche. Un jeune homme, en uniforme, est assis sur le lit, et parcourt un journal. La petite table auprès du lit supporte un verre d’eau où baignent des roses, et un buste de Napoléon Ier que je ne m’attendais pas à trouver là !