Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
JOURS DE BATAILLE

ni franque, mais franchement « méditerranéenne », comme Gênes, Naples, Smyrne. Je l’ai aperçue, hier soir, cette ville infecte et grouillante, que deux ponts de bois relient à Stamboul.

Rien, autour de moi, rien ne révèle la Turquie… Mais, derrière le jardin que je domine, le sol s’abaisse brusquement ; je devine des terrains vagues, des cimes noires de cyprès, et plus loin encore, à travers les fuseaux des arbres funèbres, une sorte de fleuve bleuit sous la brume — un fleuve qui est simplement un bras de mer enfermé obliquement dans les terres. Et, sur la rive opposée, une masse de constructions agglomérées, une mosaïque de pierre, de marbre, de bois, un tas de terrasses, de toitures, de façades, de coupoles qui se superposent : Stamboul !

Contre le ciel pâle, la ville semble tout en hauteur, comme un décor de théâtre. On dirait qu’elle n’a pas d’épaisseur, et qu’un ciseau fantaisiste a découpé sa silhouette qui se brise, ondule, s’élance en minarets aigus, se renfle en dômes prodigieux, depuis les obscurs