Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/218

Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
CHOSES ET GENS DE PROVINCE

elles ignorent leur malheur. J’ajoute qu’elles ne parlent pas le français, ou à peine, et qu’elles n’ont jamais lu un roman.

Voulez-vous me suivre chez elles ? Trois maisons, trois harems, entre tous, m’ont laissé des souvenirs caractéristiques.

Chez madame Hakki bey, — je change les noms — c’est la vieille, la plus vieille Turquie… Une maison très propre, sans luxe, un bassin de marbre dans le vestibule, quelques esclaves jeunes ou âgées, très familières, qui nous reçoivent avec force témenas… Le salon, demi-européen, mais assez simple, garni de divans en toile, ouvre sur un jardin frais débordant de boules de neige et de roses pompon… Une femme de quarante-cinq ans, corpulente et d’humeur gaie, en longue robe rose à la turque, les cheveux cachés par un serre-tête, se présente d’abord. C’est la mère d’Hakki bey. Sa bru, pâle, fragile, effacée, vêtue d’une robe démodée, se tient debout devant elle et parle bas.

Une autre dame, — cinquante ans passés, corsage beige et jupe noire, voilette tombante