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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

regarde d’un air confus… Tant pis !… Vidons le calice… Le consul, poliment, effleure à peine la tasse d’étain, et me l’offre au lieu de la passer à M. P… son voisin, à la grande surprise du chef tout scandalisé… Les hommes se servent les premiers, chez les Karagachanes, et les femmes ont les restes, quand il y a des restes…

Tout le monde a bu ou a feint de boire. Les femmes, groupées, tassées en bloc, s’humanisent peu à peu. La plus belle — une Proserpine aux tresses presque violettes — me prend la main dans sa main robuste et hâlée, me met au doigt son anneau d’argent qui glisse et tombe, trop large, et, sans façon, elle essaie mes bagues.

Elles sont si étroites pour ces doigts de bergère qu’elles ne dépassent pas la première phalange. Alors, il y a de grands rires. Les belles bouches de déesses éginétiques, s’ouvrent sur les dents éclatantes… Madame P… traduit quelques réflexions… Ces dames karagachanes, nous trouvent toutes mal habillées.