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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

dales, retenues par une bride, protègent les pieds nus et parfaits.

Le chef, sur la prière du consul, invite ses gens à danser… Dans le décor du ravin herbeux, des grandes ruches blondes, du ciel pâle, la double chaîne se forme, quatre jeunes hommes, quatre femmes qui se tiennent par la main. Ils vont à gauche, puis à droite, d’un pas rythmé, en chantant une « chanson de printemps », un air très simple, très lent, à deux phrases alternées, majeure et mineure. Parfois, les hommes frappent le sol, à la manière du cheval qui piaffe, le genou relevé, la tête haute.

Et c’est très beau, cette danse de bergers, qui évoque la pyrrhique, le double chœur chantant la strophe et l’antistrophe, les défilés des frises, les rondes sacrées ceignant les vases. Je pense à Sophocle, à Isadora Duncan… Mais le consul de Grèce me dit :

— Ces bergers sont originaires de l’Épire. Ils descendent des fameux Souliotes qui luttèrent contre Ali, pacha de Janina… Ils