Page:Tinayre - Notes d une voyageuse en Turquie.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.
131
CHOSES ET GENS DE PROVINCE

Express, naguère, et enleva deux voyageurs, dont une vieille demoiselle américaine, qu’elle rendit sains et saufs contre rançon.

Il fait nuit. La Thrace est noire sous le ciel noir ; les nuages cachent les étoiles, le croissant rougeâtre, qui a perdu sa belle courbure fine. Une rivière sinueuse, qui languit dans les marais, reflète un peu de lueur, et dessine, dans la plaine obscure, comme une inscription turque, un beau toughra de sultan. Et soudain, dans ces ténèbres, trois petits points de feu paraissent. Ce sont des lanternes que les gendarmes d’un poste ont allumées. Seuls, loin de toute ville, en plein désert, ils font leur petite illumination patriotique, en l’honneur de Sa Majesté Mahomet V.

Et plus loin, il y a un autre poste encore, qui s’éclaire de globes lumineux, et un pauvre village qui a fait de grands frais et qui déploie un luxe incroyable : vingt lampions, au moins, et douze lanternes, suspendus à des cordes, entre les platanes de la place. Il y a même un soleil tournant… qui rate ! Ça ne fait rien. Il