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CHOSES ET GENS DE PROVINCE

gardiens des stèles funéraires ! Mais, du côté de la Marmara, la vie intense grouille dans les petits ports de pêche. Les maisons arborent des drapeaux. Des hommes, devant les cafés, étalent des bandes de satinette à inscriptions, et accrochent des lanternes pour la fête du soir. Elle est déjà commencée, la fête, et il y a des buveurs, des danseurs même, dans les jardinets poussiéreux, sous les tonnelles de roseaux, où résonnent les notes claires et plaintives des lanternas, ces pianos mécaniques, ornés de miroirs, de dentelles et de roses en papier, qui déversent par tout Constantinople des musiques napolitaines. Et les maisons, les cafés, les jardins, sont comme le premier plan d’un décor sans profondeur, une frise découpée contre le fond bleu de la mer qui réverbère le ciel éblouissant, et semble monter en hauteur, emplir tout l’espace. Je devine à peine l’horizon, à un vague frottis de neige qui est la crête lointaine du mont Olympe, là-bas, dans cette Bithynie dont la rive est comme évaporée… Voici Makrikeuy où habite Ahmed-