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JOURS DE BATAILLE

Circassie, elles ne connaissaient de l’univers que les jardins réservés du palais, les kiosques de marbre remplis de trésors et de camelote allemande, les ménageries, les volières et les bateaux du lac. Quelques-unes, paraît-il, montaient à bicyclette et se promenaient en automobile dans les allées bien surveillées du jardin, mais aucune d’elles n’avait traversé Stamboul ; aucune n’imaginait ce que peuvent être une gare, des wagons et cette bête bizarre : la locomotive !

Les prodiges de la civilisation leur étaient brusquement révélés, par ces Rouméliotes épouvantables dont elles avaient eu si grand peur, et qui ne les avaient ni violées, ni maltraitées… Elles devaient à ces ennemis de leur maître cette surprise délicieuse de l’évasion, cette révélation d’une liberté relative… Pourquoi l’on partait ainsi, où l’on irait, ce que serait l’avenir, quelles mornes pensées couvaient sous le front las du vieillard, hier souverain tout-puissant, aujourd’hui captif qu’on escamote — les épouses impériales n’en