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JOURS DE BATAILLE

autorisation — les bonnes gens qui apercevaient l’équipage, encadré de policiers, détalaient à force de jambes, car il était malsain de regarder Réchad Effendi. Ignoré de tous, sans influence, sans amis, le mélancolique héritier se consolait comme il pouvait avec le jardinage et la musique, plaisirs peu coûteux, les seuls à sa portée, puisqu’il manquait d’argent, et que ses fournisseurs lui devaient faire crédit.

L’excellent frère Abdul-Hamid laissait d’ailleurs entendre que Réchad Effendi n’était pas bien malheureux, et que, malgré les prescriptions coraniques, les bons vins et les chauds alcools lui faisaient trouver en ce monde le paradis de Mahomet. On disait aussi que les belles femmes, en trop grand nombre, avaient apaisé jusqu’à les engourdir les révoltes d’une intelligence comprimée… Que ne disait-on pas ?… Aujourd’hui, Mahomet V a toutes les qualités intellectuelles qu’on refusait à Réchad Effendi : on affirme que son esprit naturel lui a permis de réagir contre le régime démorali-