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ET DE RÉVOLUTION

des soldats, de toute arme pêle-mêle, qui ne crient pas et ne chantent pas, mais qui rient, se saluent, s’appellent, arrachés à leur apathie orientale, et si débordants d’orgueilleuse joie qu’ils nous font, au passage des signes amicaux. Ils sentent que l’énorme événement accompli est leur œuvre : ils sont les maîtres de l’heure, l’âme et le bras de la nation. Des officiers qui se rencontrent se donnent l’accolade… D’autres, dans une voiture qui croise la nôtre, nous crient :

— Eh bien ! mesdames, vous êtes contentes comme nous !… Vous n’avez pas eu de mal… personne n’a eu de mal… Nous sommes venus pour vous protéger, pour punir les traîtres… Ça s’est bien passé…

Devant Sainte-Sophie, au milieu des cavaliers vert sombre et des fantassins bleus, notre voiture s’arrête, hésite… Puis, je ne sais comment, la voilà lancée dans la grande rue Divan-Yolou, entre deux haies de soldats. Les trottoirs grouillent de peuple. Sur les terrasses des maisons, derrière les grilles des petits cimetières,