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ET DE RÉVOLUTION

Cette indulgence féminine exaspère l’Arménien.

— Vous ne savez donc pas que cet homme a tué cent mille hommes en trente ans ?… Est-ce que l’exil et la prison ne sont pas des châtiments trop doux ?… Je voudrais, moi…

Il énumère de nouveau les tortures qu’il voudrait infliger au Sultan. Il serre les poings. Il voit rouge. Le sang de sa race lui monte à la gorge et aux yeux. Mais l’Américaine, virant sur le tabouret de piano, dit avec un petit rire :

— Oh ! vous autres Arméniens, vous savez bien haïr ; vous savez même mourir… Mais vous ne savez pas vous défendre… Il fallait tuer les Turcs, beaucoup de Turcs… à Sivas, à Adana, partout…

Discussion générale et violente. L’Arménien déclare :

— Quand la population turque s’arme contre nous, nous ripostons, oui, quand bien même nous sommes un contre cinq ; — mais quand la troupe s’en mêle, avec les fusils, nous devons mourir… Les Arméniens ont tué mille Turcs