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JOURS DE BATAILLE

pérance du grand événement qu’on ne peut plus retarder. Nous savons que l’Assemblée nationale délibère à huis clos… D’un instant à l’autre le canon peut tonner sur la ville.

À deux heures et demie, rien encore. L’Arménien cesse de chanter. Il paraît furieux. Il crie :

— Mais qu’est-ce qu’ils attendent, là-bas ?… Est-ce qu’ils vont trahir la nation ottomane ?… Est-ce qu’ils vont garder le vieux ?… Si je le tenais, moi, je lui couperais les mains et les pieds, je l’empalerais, je l’écorcherais et je le ferais rôtir… Quand il serait rôti d’un côté, je le laisserais vivre un jour… et puis je le ferais rôtir de l’autre côté…

Une dame grecque de Prinkipo, très jolie femme, mince et châtaine, lève ses mains aux belles bagues, dans un geste de protestation :

— Oh ! quelle barbarie !… Parce que le Sultan a été féroce, faut-il être aussi féroce que lui ?… Moi, je ne souhaite pas qu’on le tue… Il me suffirait de le savoir bien loin, sous bonne garde.