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pas… Et vous, vous n’avez personne à la guerre ?

— Nous avons tous les Français ! dit Laurence tristement.

La servante insista, avec sa brutalité de primitive :

— On aime les siens. On ne peut pas aimer tout le monde. Des gens qu’on ne connaît pas, on a beau dire, ça ne vous tient pas au cœur comme un fils ou un mari. Voyez donc si vous vous tourmentez pour vos amis ! Ce pauvre monsieur Pellegrin, qui sait où il est à cette heure ?… Il est peut-être mort…

— Non, dit madame de Préchateau, le journal en aurait parlé… J’espère qu’il est en bonne santé, et que nous le reverrons un jour… La guerre a dû le changer, comme tous les autres, car il n’est plus jeune, Pellegrin. Il a quarante…

— Quarante-cinq ans ! dit Laurence. C’est la force de l’âge, en temps normal ; mais vous dites vrai, maman : la guerre vieillit les hommes.

Elle revoyait en pensée celui qu’elle avait