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se rebelle contre la secrète hostilité des choses. Tout est piège : la pente rapide, le sable fuyant, les racines enchevêtrées. Les arbres mêmes ont un air méchant. Laurence veut retourner en arrière ; un buisson accroche son manteau ; elle veut avancer : un rameau chargé de froides aiguilles la frappe au visage. Elle se retient à un arbuste qui cède. Les feuilles froissées, le brisement du bois mort, la chute d’un pignon, quelque part, dans le taillis… Bruits faibles qui se propagent… Le silence est gros d’appels étouffés comme un, cimetière où l’on aurait enseveli des vivants.

Laurence de Préchateau ne bouge plus. Elle rassemble son énergie et fait tête à l’informe épouvante. Au fond de sa mémoire, sonne la cloche d’airain d’un tercet dantesque, obsession dont elle ne peut se défendre. Qui donc parle et pleure, ici ? Ce n’est pas le vent, ce n’est pas la mer, c’est la forêt douloureuse. Laurence se souvient de l’avoir vu en esprit, naguère, ce bois où nul sentier n’est tracé, où le feuillage obscur s’ensanglante quand on l’ar-