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née, flétrie, disparue, vit-elle encore ? Qu’est devenue sa petite fille ?… On le sait vaguement. Mais une vieille femme pauvre, une fille sans dot, cela n’intéresse personne. Les dames de Préchateau sombrent dans l’oubli comme dans la tranquille profondeur d’une eau sans transparence et sans ride.

Laurence, ainsi qu’ont fait les autres, s’est détachée du souvenir. Si jamais son âme a possédé un compagnon secret, son âme, en ce soir d’hiver, est orgueilleusement seule.

Autour d’elle, l’ombre et le brouillard s’épousent, créant une sorte d’élément inconnu, comme une sueur d’agonie sur le grand cadavre terrestre, et la rumeur de l’Atlantique semble venir d’un autre monde où la vie persiste encore avec le bruit et le mouvement. D’instant en instant, diminue cette transparence de l’air qui laissait deviner quelque trace des couleurs. Laurence distingue encore le dessin tourmenté des rameaux et leurs grands gestes immobiles, mais elle ne voit plus la sourde traînée des ronces limitant la forêt, de