Page:Tinayre - Les Lampes voilees.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gentil, papa ne reviendra plus. Il restera toujours à la guerre, devant les Boches…

— Tais-toi, mon fi, tais-toi, mon petit fi ! répète la vieille.

Le soldat tire de sa poche un mouchoir de cotonnade qui sent la pipe et il essuie les yeux de l’enfant :

— Que ce gosse est scandaleux !… Il est gâté, c’est vrai… Un pauvre petit qui a toujours été pas bien fort !… Je demande pardon, Madame… Mademoiselle… Ah ! mon Dieu, en voilà une permission !… Je m’en souviendrai de cette permission !…

Ce pauvre homme, vêtu d’une capote déteinte, coiffé d’un vieux calot, exprime par tout son être une désolation naïve, une inquiétude telle qu’il n’en a pas connu de pire, aux tranchées, la veille d’un assaut. De grandes rides tristes marquent en long sa figure et se perdent sous sa moustache couleur de foin fané ; son corps d’ouvrier citadin qui a dû pâtir dans son enfance, s’est voûté à porter le sac ; il n’a pas plus de quarante ans, et demain il sera un