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le bonheur conjugal

mari. Combien de jeunes maris savent leur métier d’amants ? Ceux qui l’ont appris, ou qui le connaissent, d’instinct, tendrement, ardemment, ceux-là peuvent emmener leur petite épouse à Venise.

Mais ce monsieur, ce mari de la jeune femme en robe beige, il n’avait pas le don. Il n’était pas un amant. Et cela se voyait à sa mine, à son attitude, à la mine et à l’attitude de sa femme. Et aussi, à ce que le matin, il était toujours de mauvaise humeur. Il ne prenait pas le petit déjeuner dans sa chambre. Il descendait à la salle à manger, avec sa femme déjà toute prête pour sortir. Et quel air las et dégoûté ! Quels chipotages sur ce pain mal cuit, le lait trop bleu, le beurre trop jaune, le café trop pâle ! Un heureux amant, c’est un homme qui voit la vie en beau, qui s’amuse, comme un enfant, des petites disgrâces quotidiennes, qui est gai, par reconnaissance, et qui a, tout naïvement, grand appétit. La femme qu’il a charmée et comblée, l’admire. Elle le tient pour unique au monde, et se tient pour une privilégiée du sort. Ces deux êtres, d’où rayonnent la joie et la volupté comme un halo de lumière,