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le bonheur conjugal

se contentent de paradis plus proches. C’est plus tard, dans la vie, quand ils ont conquis la fortune et l’indépendance qu’ils peuvent partir pour les pays d’amour. Mais alors ils sont moins jeunes et ils ne s’envolent pas ensemble, car leur compagnon de pèlerinage, au cours de la route, a changé.

Les amoureux légitimes ont des parents qui font les frais du voyage, et leur ôtent le vulgaire souci de l’argent. Leurs passeports moraux sont visés. Leur conscience est en paix. Le verjus des vignes interdites n’agacera pas leurs dents. Pourquoi semblent-ils moins heureux que les autres, les contrebandiers ? Et que viennent-ils faire à Venise ?

Hélas ! ils sont à Venise, parce que dans leur monde français, anglais, suisse ou allemand, l’usage, quand on est d’un certain rang social, impose le voyage de noces en Italie, avec une halte à Venise. Ils ont suivi l’usage. Ils sont en service commandé.

Est-ce vraiment la ville de l’amour, cette Venise amphibie, déliquescente comme une verrerie oxydée par les éléments ou comme une opale qui va mourir ? L’air qu’on y respire est empoisonné de littérature. On y mar-