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la femme et son secret

leur reflet ; celles qui ont fait, avec leurs passions, leurs désirs, leurs amours, leur expérience, une œuvre plus grande qu’elles-mêmes : les sœurs Brontë, George Eliot, Selma Lagerlof, Grazia Deledda, Mary Webb, et chez nous, George Sand.

Ceci peut sembler un paradoxe. George Sand n’est pas à la mode. Des gens qui ne l’ont jamais lue la dénigrent sans savoir pourquoi. D’autres, qui l’ont lue avec un parti pris de malveillance, pour des raisons morales ou des raisons politiques que je n’apprécierai pas ici, lui refusent toute originalité. Il est admis qu’elle représente l’esprit féminin ou plutôt l’esprit femelle, qu’elle a été l’écho des hommes qu’elle aima, six ans, six mois, ou six semaines, et que la faculté créatrice lui a toujours manqué.

Cependant, l’originalité du romancier n’est pas dans la nouveauté de ses idées. Elle est dans la forme qu’il leur donne. Peindre la vie, rêver sur la vie, recréer la vie, inventer des histoires, des paysages, des personnages, c’est là le don propre du romancier. Philosophe et moraliste à son insu, il ne gagne rien à philosopher et à moraliser exprès.