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la petite enfance

Françoise lève de grands yeux ingénus, trop ingénus pour être sincères. Elle sent toute l’attention des voyageurs se concentrer sur elle. Quelle gloire ! Même le conducteur du tramway, ce superbe monsieur qui a un col brodé et une sacoche gigantesque, regarde Françoise, attend sa réponse touchante de petite fille française, patriote et bien élevée…

Françoise le sait, ou plutôt le sent, mais le démon féminin de la contradiction, soudain, la possède. Et d’un air angélique, elle déclare :

« Les Boches ne sont pas vilains. Les Boches sont très gentils. Je les aime bien, moi, les Boches ! »

Heureusement, le tramway arrive à un « arrêt obligatoire ». Maman se précipite… Elle fera le reste de la route à pied, en traînant Françoise qui est enchantée, et pas très rassurée. On ne peut pas gronder cette enfant. Elle est si petite ! Elle ne comprendrait pas… Elle comprend très bien qu’elle a « eu » la vieille dame, et tout le tramway avec. Et qu’elle a été, pendant une minute, quelque chose d’important.

C’est la même Françoise qui apprenait, en