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LE CHEMIN DE LA SAGESSE

autres, le « poivre et sel », cela fait sale, cela fait triste. Cela donne l’air pauvre. Aucun chapeau ne sied à cette pauvreté-là. Les femmes de quarante ans s’en méfient comme de l’embonpoint, et elles y mettent bon ordre. Voyez-les : droites, minces, brillantes, à peine un peu déveloutées, désirables, plus désirables même que dans leurs acides vingt ans, elles ont, quand leurs yeux sont beaux, un regard pareil à une flèche lourde, qui va où elle veut aller.

Mais, dans leurs cœurs, quelques-unes entendent, tout bas, l’amour qui s’inquiète, et celles qui ont donné congé à l’amour, celles dont le cœur est vide, commencent à s’alarmer. Sur la grande route du temps, ne vois-tu rien venir ou revenir, Sœur Anne ? — Non. Le soleil flamboie encore, l’herbe n’a pas fini de verdoyer. Attends… Bientôt, dans le poudroiement d’or du soir, tu verras s’avancer un pèlerin… — Ah ! Sœur Anne, ce pèlerin vêtu de cendre, comment se nommera-t-il ? Je le devine. Il dira : « Je suis le dernier venu, le consolateur du crépuscule. Je m’appelle l’Amitié. »

— L’Amitié, ma sœur, c’est quelquefois l’Amour en robe grise.

Le crépuscule est encore loin. Quarante ans,