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l’héroïsme féminin

« Cher bien-aimé, mon âme vibre encore, tout émue de tes bons adieux, pendant que mes yeux s’emplissent de larmes de ne plus le voir et que mon cœur se gonfle de regret de n’avoir pu te suivre jusqu’au Sénat, comme autrefois. J’ai beau lutter de courage, de souffrance et d’amour, je sens que la vie ne veut plus de moi et que je perds du terrain à chaque minute qui s’écoule. Bientôt, je ne serai plus pour toi qu’un souvenir, hélas ! bien mélangé de bien et de mal, de bonheur et de désenchantement, résultat fatal de l’imperfection de ma nature, et si ce désenchantement doit avoir pour conséquence forcée l’oubli complet de notre amour mutuel en cette vie, je supplie Dieu de me donner à la fois la mort du cœur et celle de l’âme en me rendant au néant d’où je suis sortie. » (Juin 1878.)

Malade d’un cancer, devenue cette frêle figure de cire et d’argent qu’a peinte Bastien-Lepage, elle cache ses souffrances pour ne pas importuner celui qui est toujours son bien-aimé. Le 1er janvier 1883, elle écrit la dernière des vingt mille lettres où elle répète, depuis un demi-siècle, le même cri de passion :