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la femme et son secret

comme les femmes pauvres et jolies, elle sait faire beaucoup avec peu de chose et quelque chose avec rien. Elle raccommode les bas, taille des gilets neufs dans les restes de ses robes de théâtre, nettoie les cravates de Victor et les revers d’habit. Elle lui écrit : « J’ai bien regretté de ne pas t’avoir fait mettre ton gilet de cachemire, cette nuit, quand tu es parti. Il était tout prêt et reprisé… À défaut de vous, je m’attache à vos nippes. Je les soigne et je les débarbouille, con amore. »

Vient-il chez elle, après une soirée au théâtre ? Elle lui a préparé un souper charmant ; de la volaille, du raisin — son fruit préféré — et « le dessus de la crème ». Est-il malade ? Elle le soigne, maternellement, et lui donne la becquée. Elle fait mieux : elle crée, pour lui, avec l’instinct nidificateur de la femme, le refuge propice au travail, qu’il ne peut avoir place des Vosges. Il a enfin une lampe qui ne fume pas, un encrier toujours rempli, une table disposée selon ses habitudes méthodiques. Pendant qu’il travaille, Juliette coud, ou bien, couchée la première, elle regarde l’homme qu’elle adore, et quelquefois, ne voulant pas rompre le silence, elle écrit de petits