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LA FEMME ET SON SECRET

lousie la pousse, est incapable de réfléchir et de raisonner. L’essentiel est de ne pas arriver à ce paroxysme, si l’on peut. Les anciens voyaient dans l’amour jaloux une vengeance des dieux, le désordre de l’âme obligée de chérir et de haïr le même objet, en se déchirant elle-même. Mais la plupart des hommes et des femmes qui parlent de la jalousie, sévèrement ou légèrement, n’en ont ressenti que les atteintes bénignes. L’amour les amuse et s’amuse d’eux, trop minces proies pour les flèches divines. D’autres sont des victimes de choix. Le dieu les marque, les enivre, les conduit sur le plus haut sommet de la vie et les abandonne devant un précipice solitaire. Étonnez-vous qu’ils aient le vertige !

Le bonheur d’appartenir à ce qu’on aime, et de posséder ce qu’on aime, est si grand qu’il rapetisse tous les autres, mais la vraie passion est rare, et l’on confond ordinairement le bonheur et le plaisir, qui ne sont pas du tout liés. L’amour veut le plaisir, et ne s’en satisfait. La volupté n’est que le sceau et le signe du bonheur qui lui survit et la dépasse. Ceux qui ne cherchent qu’elle, ne trouvent qu’elle. S’ils lui demandent ce qu’elle ne peut donner,