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le bonheur conjugal

si elles se marient, se monteront bien la tête, et se persuaderont qu’elles sont éprises pour la première et la dernière fois ! — Regardons les autres, plus nombreuses : comme elles ont envie d’aimer leur mari, de l’aimer d’amour et d’en être aimées d’amour ! Comme elles se plaisent à oublier que leur bonheur est légitime, et que l’Église et l’État les protègent ! Toutes ont le même plaisir puéril à dire :

« Mon chéri, nous n’avons pas l’air sérieux. Nous n’avons pas l’air mariés. On doit penser que je suis ta maîtresse… »

Plus elles sont jeunes et pures, et plus cette idée les ravit.

C’est qu’elles sentent, avec leur instinct infaillible, que l’amour a horreur de la contrainte. Il est gratuit et n’est pas obligatoire. C’est un dieu antisocial, anarchiste, hostile à l’idée du devoir, et qui se suffit à lui-même. Il n’a cure ni de morale, ni de sécurité, ni des intérêts du pays, ni de l’avenir de la classe bourgeoise, ni même de la nécessaire repopulation. S’il repeuple, c’est bien par hasard. L’amour est une espèce de loup qui craint le collier.

Le mariage lui passe un collier, en lui fai-