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Avec elle, le Roi libère son égoïsme et cède à son indolence. Lui, le concentré, le méfiant, il se livre plus qu’il ne l’a jamais fait — bien qu’il se reprenne par brusques boutades. La marquise apprend à le voir comme l’a peint le duc de Luynes, ni vif ni gai, atrabilaire, impénétrable, « avec un extrême besoin d’exercices violents et de dissipation et des moments de noire tristesse ». Il aime les femmes et n’a nulle galanterie dans l’esprit. Il est souvent dur, et il a une extraordinaire disposition à rester silencieux, comme si parler lui était pénible. La marquise subit les longs silences que toutes les femmes haïssent parce que l’homme, enfermé dans son mutisme, leur échappe et les inquiète. Elle écoute sans impatience des propos qui ont pour sujets habituels le calendrier, les rites et cérémonies de l’Église, le détail des maladies et des opérations. Louis XV aime à parler de la mort — comme tous ceux qui la craignent. Il voit moribonds tous les malades et il leur demande où ils comptent se faire enterrer. Un jour, étant en voiture avec Mme de Pompadour et la maréchale de Mirepoix, il ordonne d’arrêter, appelle un écuyer et dit :

« Vous voyez bien cette petite hauteur ? Il y a des croix, et c’est certainement un cimetière…