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le ridicule d’aimer sa femme. Il se comporta sans élégance : il pleura, cria et, de douleur s’évanouit. Cette défaillance qui émeut notre sympathie pour cet époux infortuné, dut paraître bien choquante aux yeux de l’oncle. M. de Tournehem ranima son neveu. Alors M. d’Étiolles chercha des armes pour se tuer et l’on dut le défendre contre lui-même. Il parla d’aller à Versailles, de réclamer hautement Jeanne-Antoinette, de l’arracher même d’entre les bras de Louis XV. L’oncle le persuada, non sans peine, de demeurer où il était, d’écrire à sa femme et d’attendre la réponse. La lettre écrite, M. de Tournehem l’emporta et la remit lui-même à Mme d’Étiolles… Celle-ci — et c’est une très vilaine page de son histoire — lut sans émotion la pauvre lettre mouillée de larmes et, par un raffinement d’indélicatesse que nous ne pouvons lui pardonner, elle la fit lire au Roi. Qu’elle fût insensible au désespoir de M. d’Étiolles, cela s’explique assez : la femme qui aime, dans la première ivresse d’un bonheur mal assuré, oublie le passé qui la gêne, et, s’il se remet sur son chemin, écarte impitoyablement l’obstacle. C’est seulement dans les grandes âmes que l’amour ne détruit pas la pitié. Mme d’Étiolles n’avait pas l’âme