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Persans aux longues robes, Turcs aux larges turbans côtelés, Indiens, nécromants, bergères, nymphes, déesses, tout le Lignon et tout l’Olympe, toutes les grandes Indes et toute la Chine, mêlent leurs couleurs éclatantes, leurs formes bizarres, leurs gestes enivrés, leurs pas qui s’affolent, leurs intrigues qui se croisent, leur gaieté qui monte et pétille comme le vin de Champagne versé par les pages du Roi. Les lustres sont des grappes de cristal et de lumière ; les girandoles fleurissent de feu les murs ornés de trophées et d’emblèmes. Dans la profondeur des fenêtres, les gradins, les estrades, semblent des espaliers de fruits multicolores. L’air surchauffé, alourdi par l’odeur de la cire et les parfums du bal, est traversé de frissons et de bourdonnements. Mille abeilles musicales s’envolent des harpes, des flûtes, des violons, essaims enragés dont la vibration entraîne la foule. Et les grandes statues solennelles, blanches parmi l’orgie des lueurs et des couleurs, contemplent la folie de cette nuit de leurs yeux tranquilles.

Une porte s’ouvre. Il y a un remous dans la masse tourbillonnante, puis un arrêt. Les têtes poudrées et scintillantes s’inclinent… Ceux qui ne voient pas poussent les spectateurs favorisés.