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écorce et creusé en dedans. Obligeant dans le particulier, avec ses domestiques, indifférent aux grandes affaires par indolence et par mépris des hommes, exigeant avec ceux qu’il aimait, sans pitié pour ceux qu’il n’aimait plus, l’égoïsme dominait en lui, malgré des accès subits de sensibilité nerveuse qui allaient jusqu’aux larmes. À ce fils du duc de Bourgogne, il aurait fallu un autre Fénelon : il n’avait eu que le cardinal de Fleury. Le vieux prélat, qui ne se piquait pas de former un Télémaque, avait reconnu, dans son royal pupille, un fond de timidité et de méfiance qu’il entretint par politique et pour mieux le gouverner. Il inspira au jeune roi la plus grande défiance de tous les hommes et un scepticisme systématique relativement à la vertu et à la probité. En tiers dans le ménage royal, jaloux du crédit de la Reine, il contribua puissamment à détourner d’elle la nonchalante affection de l’époux ; plus tard, il ferma les yeux sur l’adultère. Sa mort libéra Louis XV d’une tutelle devenue gênante, mais le mal était fait. L’éducation de Fleury avait gâché irréparablement une âme qui n’eût pas été mauvaise en d’autres mains et qui, livrée à l’orgueil, à la paresse, à l’ignorance, ne trouverait en elle-même aucune défense contre