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femmes, car, si on lui avait enseigné les sciences, les lettres, les arts, et l’art, plus difficile, de plaire, on avait oublié complètement de lui enseigner la morale. Dans cette première moitié du XVIIIe siècle, Rousseau n’avait pas encore parlé, et si déjà l’on se piquait d’être « sensible », on ne se targuait pas encore, à tout propos, d’être vertueux.

Les salons parisiens où l’on n’avait ni le goût, ni peut-être le droit, d’être très difficile sur la qualité des invités, accueillirent Mlle Poisson parce qu’elle était agréable, et Mme Poisson parce qu’elle était la mère de sa fille. Mme de Tencin patronnait les deux femmes, et ce fut chez elle que Reinette connut les beaux esprits du temps : Marivaux, Montesquieu, Duclos, Fontanelle. Les Poisson n’avaient pu forcer la porte de Mme Geoffrin et celle de sa fille, Mme de la Ferté-Imbault, qu’elles grillaient de connaître. En revanche, elles allaient chez Mme d’Angervilliers. Elles y étaient, un soir, en nombreuse compagnie, quand on pria Jeanne-Antoinette de chanter le grand air d’Armide, de Lulli. Elle chanta d’une voix si fraîche et si pathétique qu’une dame — plus très jeune, pas très belle — ne put retenir ses larmes et se jeta dans les bras de la chanteuse. Celle-ci, étonnée et flattée,