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la marquise et la Cour applaudissaient la charmante pastorale et considéraient l’auteur avec un étonnement dépourvu de malice. Nouveau souci pour Jean-Jacques. Il était armé contre la raillerie, mais non pas contre « l’air caressant ». Le succès s’accrut jusqu’à devenir un triomphe. L’auteur entendit autour de lui un chuchotement de femmes qui lui semblaient belles comme des anges et qui s’entre-disaient à mi-voix : « Cela est charmant ; cela est ravissant ; il n’y a pas là un son qui ne parle au cœur. » Le plaisir de donner du plaisir à tant d’aimables personnes l’émut au point qu’il se prit à pleurer dans sa grande barbe et se livra sans distraction au plaisir de savourer sa gloire… La volupté du sexe, avoue-t-il, y entra pour beaucoup plus que la vanité d’auteur, et Jean-Jacques eut moins pleuré s’il n’y avait eu là que des hommes.

Le même soir, le duc d’Aumont lui fit dire d’être au château le lendemain, vers les onze heures, qu’on le présenterait au Roi, et M. de Cury, chargé de ce message agréable, ajouta qu’il s’agissait d’une pension et que le Roi l’annoncerait lui-même au père de Colette et de Colin. Mais les protecteurs du philosophe n’avaient pas compté avec son hypocondrie. Jean-Jacques passa une nuit épouvantable.