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regretter Mme de Pompadour. » Cela était juste, car philosophes et gens de lettres devaient beaucoup à la marquise et lui avaient causé quelques désagréments, parce qu’ils sont d’une race qui n’est jamais satisfaite, quoi qu’on tente pour l’obliger.

Mme de Pompadour en refit l’expérience avec Rousseau, après Voltaire. Le Devin du Village avait mis Jean-Jacques à la mode, et Duclos, qui rencontrait le philosophe musicien chez Mme d’Épinay, s’était pris d’amitié pour lui. Très lié avec la favorite, il dut l’intéresser à l’ours genevois dont il dépeignit les façons plus singulières encore que sa singulière figure. Quand Mme de Pompadour donna le Devin du Village à Fontainebleau, Jean-Jacques consentit à surveiller la dernière répétition, « honteux comme un écolier » au milieu des brillantes actrices de l’Opéra. Maussade par timidité, ne pouvant prendre le ton du monde, il affectait de mépriser les bienséances faute de savoir les observer — ce qui est le cas de beaucoup de cyniques. Le jour de la représentation arriva. Il y parut dans l’équipage négligé qui lui était ordinaire : grande barbe et perruque assez mal peignée, et il fut placé dans la loge de M. de Cury, en face de la petite