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fondaient en un sentiment collectif, où le plus faible d’entre nous sentait battre en son cœur mortel le cœur éternel de la France.

Alors, nous eûmes la sensation de la parenté qui nous lie aux gens de notre race : ouvriers, bourgeois, artistes, savants, aux plus grands comme aux plus humbles. Les inconnus, — coudoyés naguère avec indifférence, dans une égoïste sécurité, nous apparurent, devant le péril commun, ce qu’ils sont, en réalité : nos frères et nos sœurs, les gens de chez nous. Il n’y eut plus de castes sociales et de fausses convenances : par un mot, par un regard, par le silence chargé de pensées, tous fraternisèrent.

La rue la plus banale, avec ceux qui l’habitent et ceux qui la traversent, fut une merveilleuse école de grâce et de courage. Je l’ai toujours aimée, cette rue de Paris, mais je ne l’ai véritablement vue et comprise que pendant ces jours ; et c’est en quelque sorte sous la dictée des passants que j’ai écrit son histoire, — une histoire qui tient en quarante-huit heures : du 31 juillet au 2 août 1914.

Aucun de mes livres ne doit moins à l’imagi-