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monde… Votre crêpe, ça les gêne… Ça met du noir dans l’interview… On n’ose pas rire avec vous, et vous dire les choses gaies, les mots drôles qu’on dit à Flory et qui réjouissent le public… Et si vous allez voir des gens tristes, des veuves de grands hommes, par exemple, ou des victimes d’une catastrophe, c’est pire : ce deuil, ça a l’air d’une allusion ; on croit que le Monde féminin vous a choisie exprès… Il ne faut pas manquer de tact… Il faut que nous restions Parisiens, en toutes circonstances… Ma petite Valentin, je vous parle en ami… Tâchez d’avoir le deuil discret, un petit deuil qu’on ne remarque pas… Du drap, de la mousseline de soie mate… C’est très convenable et pas funèbre… »

Mademoiselle Bon dit naïvement :

— Mais je suis en deuil, moi aussi… de papa… et M. Foucart ne m’a jamais rien dit de pareil.

Josanne arrangea son col empesé, d’un blanc brillant, cravaté de satin noir. Elle noua sa voilette, enfila son boléro et chercha son boa de Mongolie. Mademoiselle Bon la contemplait :

— Comme vous êtes jeune !… Tout de même, je regrette, pour vous, que vous ne portiez plus le grand voile.

— Ça m’allait mieux ?

— Oh ! non… Mais cela vous donnait de la gravité, de l’austérité !… C’était… une défense morale…

— Contre les galanteries ?… Oh ! ma chère, si vous saviez…

Elle haussa les épaules. Ses prunelles bleues froncèrent.

— La seule défense véritable, la seule efficace, elle