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qu’ils redoutaient ; puis ils vantèrent des drogues, citèrent des cures merveilleuses et déplorèrent l’ignorance des médecins. En contant les maux de son corps, chacun s’attendrissait sur soi-même, taxait l’autre d’exagération, et prenait pour l’écouter un air d’indifférence complaisante…

La lampe, sous son globe d’albâtre translucide, épandait une lueur paisible. Le reflet du feu tremblait sur les lithographies des murs, et, dans le coin de la cheminée, une bouilloire d’étain se mit à chanter tout bas, sur la cendre chaude…

Les deux vieillards causaient, face à face, dans leurs fauteuils pareils. Josanne regardait la robe noire et la soutane noire, les têtes vénérables aux cheveux de soie et d’argent. Elle pensait :

« Ils se ressemblent, c’est vrai ! Tous deux bons, simples et purs, occupés de petites choses, contents de petits plaisirs… »

Et elle regardait les choses, autour d’eux, ce cadre de province qui leur seyait si bien !… Malgré sa bonne volonté, comme elle était étrangère dans cette blanche maison, entre ces vieilles gens qu’elle aimait et qui ignoraient tout d’elle !…

Le chanoine expliquait :

— Vous mettez une pincée de bourrache et puis l’eucalyptus… Si vous mettiez l’eucalyptus d’abord, et, après, la bourrache, l’infusion n’aurait pas le même goût. C’est la sœur Saint-Florent qui me l’a dit : « La bourrache en second, monsieur le chanoine… C’est très important. »

Accoudée au guéridon, Josanne feuilleta un album de photographies. Des figures inconnues défilaient,