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avait connus et fréquentés, dans une familiarité tout ecclésiastique.

Il s’assit, à sa place accoutumée, en face de mademoiselle Miracle, et il conta le malheur survenu à sa gouvernante, — une honnête veuve quinquagénaire dont la fille, demoiselle encore, avait promesse d’enfant.

— Une fille de trente ans, que tout le monde croyait vertueuse !… Elle allait en journée chez des officiers, et c’est l’ordonnance du capitaine Lefaurel, un Parisien, qui… La mère n’avait pas de méfiance !… Rosa n’était plus une jeunesse… On doit être sage, à trente ans !

— C’est un âge dangereux, dit mademoiselle Miracle, qui n’était pas prude. Je n’ai jamais fait de folies. Dieu merci ! mais, si j’en avais dû faire, c’eût été à trente ans, plutôt qu’à vingt…

— Vous, ma tante ! dit Josanne étonnée.

— Il y a folies et folies, et je n’aurais pas… Mais, à trente ans, j’ai eu, sans savoir pourquoi, une espèce de velléité de mariage… On m’avait parlé d’un prétendant… Vous l’avez connu, mon prétendant, vous, monsieur le chanoine !… C’était un zouave pontifical… un bel homme qui avait une jambe de bois… Oh ! la jambe de bois ne me faisait pas peur, car ce qui me plaisait dans le mariage, ce n’était pas le mari… et surtout ce mari-là !… Mais j’aurais voulu…

— Quoi donc, ma tante ?

— J’aurais voulu avoir un petit enfant… J’avais Pierre, ton mari, et je l’aimais bien, mais j’aurais voulu avoir un autre enfant… que j’aurais fait moi-même… Je n’ai pas honte d’avouer ça… Au moment