Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mademoiselle Miracle, assise au coin du feu, posa son tricot, enleva ses lunettes, ce qui était chez elle un grand signe d’inquiétude. Elle était comme la chambre, blanche et surannée avec douceur. Douce était sa figure aux fines rides ; douce, sa voix égale, un peu basse ; doux, les gestes de ses douces mains. Sa robe noire moulait une taille encore svelte et parfaitement droite ; ses cheveux de soie et d’argent, coiffés à la mode du second Empire, lui faisaient une belle couronne de nattes brillantes. Jamais demoiselle âgée et pieuse ne ressembla moins que celle-ci à la traditionnelle vieille fille, aigrie par le célibat, desséchée par la dévotion. Mademoiselle Miracle n’avait pas d’autre manie que la manie pharmaceutique : elle composait des tisanes dont elle tirait vanité ; elle recueillait les recettes de médicaments mystérieux, « remèdes de bonnes femmes », et elle avait pour les médecins la haine secrète qu’ont les amateurs pour les professionnels…

Elle dit :

— Josanne, ma petite…

Elle était inquiète. Ces nouvelles qu’annonçait Josanne, elle les pressentait vaguement.

— J’ai reçu une lettre de Foucart, oui, ma tante… Il me demande des articles… sur la vie de province !… Je vais décrire monsieur le chanoine et les dames Chantoiseau !… Où est Claude ?

Josanne souriait. Mademoiselle Miracle soupira :

— Claude ?… Il est en pénitence, sous la table… Il a baigné le chat dans le pot à eau… Ce gamin-là ne sait qu’inventer… Ah ! il ne ressemble pas à son pauvre père !